C’était le vieux temps et c’était un bon vieux curé de ce temps-là. Il était fait comme les autres vieux de la campagne : il parlait patois, portait des sabots et avait une grande tabatière. De longs cheveux blancs sortaient par-dessous son bonnet de velours rond. Il regardait le monde par-dessus ses lunettes qui lui tombaient sur le bout du nez. C’était tout à fait un brave homme, très estimé de ses ouailles, qui avait bien tenu la religion dans sa paroisse. Le bon prêtre était malheureusement dur d’oreille et avait la vue assez basse. On disait que c’était la cataracte. Cela ou autre chose peu importe, c’est pour vous dire qu’il voyait passablement mal !
Nous étions en hiver. Il faisait à peine jour, quand le curé alla sonner l’heure de la messe. Montant au chœur il aperçu, dans la pénombre, quelqu’un derrière le rideau de son confessionnal.
« Tiens donc – pensa-t-il – c’est la mère Michaud qui vient chercher son absolution. Ah la brave femme! Si tout le monde pouvait être comme elle » ! Le bon prêtre entra alors dans son confessionnal, mit son étole autour du cou et ouvrit le portillon. Comme il n’entendait pas bien, il dit à la pénitente : « Parlez un peu plus fort, s’il vous plaît » ! Mais il n’entendait toujours rien, il se résigna, et pensa : « Brave comme elle est, elle ne ferait pas de mal à une mouche… ses péchés, le bon Dieu les entendra, lui au moins a l’oreille fine ! ».
Il colla une nouvelle fois son oreille contre la grille…Rien ! « Elle aura déjà terminé sa confession » pensa-t-il . Puis il s’adressa à la mère Michaud en lui recommandant de toujours bien rester fidèle à sa religion et de vivre en bonne chrétienne. Après toutes ces bonnes paroles, il lui donna la pénitence et l’absolution. Le curé sortit ensuite de son confessionnal et grimpa sur une chaise pour changer la mèche de la lampe du Saint Sacrement qui menaçait de s’éteindre. Tout en remettant la chaise è sa place, près du confessionnal, il remarqua que la mère Michaud n’était pas sortie.
« Sourde comme elle est – pensa-t-il avec amusement – elle attend encore que je lui donne l’absolution » ! Puis, s’approchant du confessionnal, le curé dit à voix haute : « Mère Michaud, la confession est finie. Votre pénitence, c’est la même que l’autre fois. Vous pouvez sortir, la messe va bientôt commencer » ! Mais la mère Michaud ne bougea pas… Le curé tira alors le rideau du confessionnal et vit… la statue de la sainte Vierge, que le sacristain avait descendue et mise là en attendant de la nettoyer….
Depuis ce jour-là, on raconte, dans la paroisse, que le curé avait confessé la sainte Vierge !
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