Il est fort utile de bien connaître saint François de Sales pour que sa pensée nous apparaisse avec plus de vérité et de profondeur. Les lecteurs pourront satisfaire leur légitime curiosité en se reportant à des biographies plus complètes ainsi qu’en retrouvant dans l’édition complète des Œuvres d’Annecy [Œ] les textes cités ici .
François de Sales naquit en Savoie, au château de Thorens, le 21 août 1567. Aîné de cinq frères et deux sœurs, d’ancienne noblesse savoisienne, il avait devant lui, semblait-il, dès sa naissance, un brillant avenir dans le monde.
Sa mère, « optima et carissima et prudentissima mater », née de Sionnaz, n’avait que quatorze ans à la naissance de François. Son père, le seigneur de Boisy, le destinait à une haute carrière dans la magistrature. L’ayant fait étudier d’abord aux collèges savoisiens de la Roche et d’Annecy, il l’envoya ensuite parfaire son éducation à Paris, plus précisément au Collège de Clermont, tenu par les Jésuites. Le jeune homme y passa sept années, de 1581 à 1588, sous la tutelle d’un précepteur ecclésiastique, M. Déage.
François suit les leçons d’éminents professeurs et travaille sous leur direction avec la passion d’un futur grand lettré. Non seulement il étudie la rhétorique et la philosophie, mais il s’adonne par choix à la théologie. C’est pour plaire à son père qu’il apprend l’équitation, la danse et l’escrime; mais aux mondanités il préfère l’étude du grec et de l’hébreu. Vers la même époque il traverse une profonde crise intérieure, que les biographes ont improprement nommée sa « tentation », crise provoquée par la théorie de la prédestination, alors vivement débattue à l’université. Sans doute en proie aux troubles et incertitudes de l’adolescence, François se croit déjà condamné à l’enfer et à ne jamais voir Dieu. Après six semaines de luttes dramatiques, il retrouve la paix grâce à son inébranlable confiance en l’amour de Dieu et à la Vierge Marie, Notre-Dame de Bonne Délivrance, qu’il avait priée avec ferveur en l’église de Saint-Étienne-des Grés à Paris.
En 1588, nous le retrouvons à Padoue, où, pour obéir à son père, il est venu faire ses études de droit. Padoue, fleur de la civilisation italienne et toute bruissante de l’activité de nombreux étudiants. Docteur en droit ecclésiastique et civil, François retourne en Savoie en 1592 et est admis au Sénat de Chambéry, où il restera inscrit jusqu’en 1597. Son père le voit déjà Sénateur et marié avec une riche épouse qu’il lui a choisi… Mais François veut « être d’Église » : il est tonsuré depuis l’âge de douze ans et veut persévérer. Le seigneur de Boisy s’oppose au désir de son fils et une âpre lutte silencieuse s’instaure entre les deux hommes. Le conflit menace de se prolonger, mais par bonheur, une haute dignité ecclésiastique, restée vacante, est offerte à M. de Boisy pour son fils. Secrètement flatté dans son orgueil paternel, il se laisse enfin arracher le consentement qu’il avait si longtemps refusé. En 1593, François est donc promu à la dignité de prévôt du chapitre cathédral de Genève et la même année, le 18 décembre, est ordonné prêtre dans son village natal à Thorens. L’année suivante, en 1594, en dépit d’une nouvelle opposition de son père, il part pour le Chablais, où les Genevois et Bernois avaient imposé par la force le culte calviniste. En compagnie de son cousin Louis de Sales, il se fait missionnaire itinérant. Ayant un point d’attache aux Allinges, puis à Thonon, il parcourt le pays, prêche, argumente, écrit, distribue des copies de ses sermons à ceux qu’il ne peut atteindre par la parole. Il travaille d’abord sans aucun succès. Mais à force de patience, de douceur et d’éloquence et de ferveur, il arrive à provoquer un premier mouvement de conversions dans l’élite de la société. En 1598, le Chablais, en grande partie, a fait retour au catholicisme.
À la mort de Monseigneur de Granier, en 1602, François de Sales lui succède avec le titre d’Évêque et Prince de Genève. François est le sixième évêque de Genève vivant en exil à Annecy, sous la protection du Duc de Savoie, puisque les calvinistes avaient imposé la Réforme à Genève. En effet, depuis que l’évêque Pierre de la Baume a été chassé de la ville par les calvinistes, en 1533, Genève n’a plus eu d’évêque résident.
On brosse de François de Sales un portait très élogieux :
"Un regard à la fois brillant et bienveillant, un front large, puissamment modelé, et comme illuminé par le rayonnement d’un esprit toujours en mouvement, une belle barbe vive, sobrement épanouie, encadrant l’ovale délicat d’un visage grave qu’un demi sourire éclairait, une souveraine aisance de tenue avec un peu de lenteur majestueuse, il avait tout ce qu’il faut, non seulement pour plaire, mais pour s’imposer : il avait le charme et l’autorité"[1].
Pasteur d’âmes, doué d’une simplicité et d’une douceur toute évangélique, François de Sales visite toutes les paroisses de son vaste diocèse, confesse, prêche et s’intéresse à tous. Il aime les pauvres, les vieillards, les malades, les prisonniers et les enfants et s’adresse à eux avec une tendresse qui conquiert rapidement tous les cœurs. François devient aussi le favori des « grands de ce monde » qui admirent ses innombrables qualités de conseiller spirituel et politique, sans parler de sa brillante culture et de la sainteté de sa vie : les papes Clément VIII et Léon XI – qui aurait voulu lui donner la pourpre cardinalice – le roi Henri IV, la princesse Christine, le cardinal de Savoie, Vincent de Paul, le cardinal Bellarmin, …
Il écrit ses deux ouvrages plus connus, l’Introduction à la vie dévote (1604) et le Traité de l’amour de Dieu (1616). Avec la baronne Jeanne-Françoise Frémiot de Chantal il fonde, en 1610, l’Ordre de la Visitation Sainte Marie.
Prématurément, la mort vient le prendre au cours d’un voyage à Lyon, le 27 décembre 1622, où il succombe à une attaque d’apoplexie qui s’annonçait depuis plusieurs semaines. Il n’avait que 55 ans.
Pie IX, le 16 novembre 1877, proclame François de Sales docteur de l’Église ; par la suite les papes préciseront : docteur de l’Amour divin et de la douceur évangélique. Le 26 janvier 1923, Pie XI le proclamera patron des journalistes et des écrivains catholiques.
Pour avoir hébergé et prodigué des soins pendant dix-sept ans à un jeune sourd-muet, François est aussi considéré comme le saint protecteur de ceux qui sont touchés par cette infirmité.
© Padre Gilles Jeanguenin